La phrase « nous vieillissons comme nous vivons » d’Ajuriagerra exprime une vérité dramatique confirmée par l’observation. En effet, le processus de vieillissement est une extension finale de tous les événements biologiques et existentiels. D’une certaine façon, les caractéristiques de la personnalité s’accentuent pendant la vieillesse, en se manifestement sur le plan physique et comportemental. En vieillissant, un individu égoïste développera un égoïsme pathologique, alors qu’une personne généreuse sera plus désintéressée et magnanime ; pourtant, ce n’est pas une caractéristique propre des personnes âgées d’être égoïstes. La répression sexuelle, maintenue d’une façon tenace pendant toute la vie, peut prendre des compensations grotesques pendant la vieillesse.
La dépression et le ressentiment s’accentuent au fur et à mesure que les années avancent ; la personne âgée, dans certains cas, se transforme en une personne misérable qui est rejetées par sa famille.
La crise du vieillissement peut accentuer les tendances dépressives qui restaient latentes ; l’hostilité réprimée devient, généralement, une franche malignité.
Léonard de Vinci a dessiné, avec une perception aigüe, la corruption émotionnelle de certaines personnes âgées chez lesquelles se reflétaient l’avarice, la malignité et d’autres formes de putréfaction intérieure. Le cours et le déroulement des processus de développement du potentiel détermineront la qualité existentielle de la personne âgée, de la même façon qu’il se détermine chez les jeunes. Concernant la détérioration biologique, nous pouvons affirmer qu’elle doit être abordée avec une vision systémique.
Chaque individu vieillit d’une manière différente et sa détérioration psychobiologique es tune expression de son style de vie et de son existence ; ainsi, par exemple, les personnes qui ont une activité intellectuelle permanente, présentent un déclin plus lent en comparaison avec celles qui n’en ont pas (Sears y Feldman). Vogt et Butcher ont observé que la population qui faisait un travail manuel obtenait un indice de détérioration mentale plus grand sur l’échelle verbale que sur celui de l’exécution. Une information de l’Organisation Mondiale de la Santé dit. « Certains faits semblent indiquer que les individus bien dotés intellectuellement conservent leurs facultés intellectuelles intactes pendant un temps plus long que d’autres personnes ».
Je crois que l’utilisation et l’expression des potentiels humains tendent à les préserver et à les développer ; nous devons nous souvenir que les dits potentiels sont génétiquement programmés. Selon Piaget : « Le potentiel humain de l’intelligence est hérité comme un caractère génétique multifactoriel et phylogénétique ; il s’hérite dès le niveau de l’intelligence réflexe jusqu’aux niveaux des caractéristiques intellectuelles ».
La fonction sexuelle décline aussi plus rapidement chez des personnes qui pendant leur vie ont eu peu d’activité sexuelle. Cette observation dément définitivement la croyance populaire que « l’excès d’activité sexuelle use la fonction ». La détérioration biologique de certaines fonctions (fixation du calcium dans les os, capacité d’érection du pénis, équilibre hydrosalin, résistance motrice, etc.) montre que chaque individu commence le processus de détérioration du système par des organes et des fonctions différentes.
Actuellement, on ne connaît pas les mécanismes sous-jacents aux changements induits par le vieillissement des cellules. Certains gérontologues pensent que les changements provoqués par le vieillissement seraient probablement contrôlés par les gènes.
Shores, Medvedev et Leslie Orgel proposent que, avec le temps, l’information transmise dans le processus de transcription et transduction du message génétique de l’ADN ou l’ARN, les enzymes et les autres molécules protéiques, pourrait être sujette à un nombre progressivement plus grand d’erreurs. Ces erreurs donneraient lieu à des molécules enzymatiques défectueuses et conduiraient à un déclin de la capacité fonctionnelle des cellules.
L’accumulation d’erreurs dans un système biologique peut être évitée, en partie, par les processus connus de réparation cellulaire. L’efficacité des systèmes de réparation dépend de multiples facteurs et, au final, de l’hégémonie de l’unité organique et de l’ultra-sensibilité des systèmes homéostatiques.
Même dans le cas où il existerait un processus de vieillissement programmé génétiquement, on ne peut écarter le fait que l’expression génétique dépend de cofacteurs et d’écofacteurs, c’est-à-dire d’un système complexe qui englobe l’existence comme une totalité. Ainsi, le vieillissement serait un processus de développement et d’expression de potentiels qui, durant toute la vie, furent actifs dans un champ d’interaction écologique ; chaque individu a une forme de vieillissement cohérente avec son existence.
Notre expérience avec différents groupes de personnes âgées montre que le processus de vieillissement est partiellement réversible. Non seulement la détérioration s’arrête, mais un grand nombre de fonctions peut être rétablie au niveau moteur, psychosomatique et dans les modèles de réponse émotionnelle et intellectuelle.
Les facteurs les plus importants dans le processus de réhabilitation sont de caractère affectif. Cette affirmation ne semble pas étrange si nous pensions que la genèse de l’intelligence, selon Piaget, se fonde sur les structures affectives primordiales et sur le processus de formation de l’identité. La personne âgée, justement, expérimente une perte violente de ses relations affectives, dans une société qui la rejette, elle souffre de dévalorisation et de désorientation. Il manque en elle de motivations pour vivre ; ses fonctions intellectuelles, parallèlement, se paralysent.
Le concept de détérioration intellectuelle de la personne âgée, comme un fait fatal, doit être remis en question. Nous pourrions dire que le processus de vieillissement chez un individu est le résultat complexe de sa structure biographique et héréditaire. Lapierre, un des plus grands spécialistes mondiaux en réhabilitation, appelle à notre attention l’importance de trouver le noyau affectif dans le processus d’intégration des fonctions motrices ; ce concept change totalement la stratégie en réhabilitation qui, jusqu’à aujourd’hui, se centrait sur des fonctions isolées.
La Biodanza devient, en accord avec ces considérations, le « système de réhabilitation de choix en gériatrie ».
Rolando Toro